Taxe sur la plus-value foncière
Que désigne le terme « taxe sur la plus-value foncière » ? Pourquoi a-t-elle été créée ? Dans quels cas de figures y est-on soumis ? Comment se calcule -t-elle ?
Pour y répondre, commençons par le contexte dans lequel cette taxe est née. A la suite d’un vote populaire, la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (ci-après LAT), entrée en vigueur le 1er mai 2014, a été révisée. Cette réforme visait principalement à intégrer de manière contraignante les notions de préservation du paysage ainsi qu’une occupation et un aménagement des territoires réservés à l’habitat et à l’exercice des activités économiques conformes aux besoins de la population. De ces objectifs globaux ont découlé une révision générale qui visait à repenser la stratégie d’organisation territoriale au niveau fédéral, cantonal et communal.
A titre individuel, certains propriétaires fonciers ont donc été concernés par des modifications de zones ; créant dans certains cas, des avantages et dans d’autres, des inconvénients.
Afin de garantir l’équité, l’art 5 LAT fixe le cadre global d’application concernant les compensations et les indemnisations qui découlent de ces nouvelles mesures d’aménagement du territoire :
Chaque canton doit ériger les prescriptions légales permettant d’instaurer un régime de compensation qui tienne compte des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent de mesures d’aménagement.
La compensation de ces avantages doit être de minimum 20%. Libre à chacun des cantons de prévoir un pourcentage plus élevé mais le régime doit au moins permettre de compenser les plus-values résultant d’une requalification durable des terrains en zone à bâtir.
Le produit de la taxe est notamment utilisé pour compenser les inconvénients qui découlent de ces nouvelles mesures d’aménagement lorsqu’elles correspondent à une restriction au droit de la propriété, c’est-à-dire à une expropriation.
Trois situations pratiques sont susceptibles de générer des avantages ou des inconvénients résultant de mesures d’aménagement du territoire :
La création d’une nouvelle zone à bâtir (mise en zone) ; par exemple, lorsqu’un terrain en zone agricole est requalifié en zone à bâtir.
Le changement d’affectation ; par exemple, lorsqu’un terrain en zone artisanale passe en zone d’habitation.
La modification de la densification autorisée, sans changer l’affectation du sol ; par exemple, lorsqu’une zone d’habitation se voit attribuer des droits à bâtir supplémentaires permettant la construction de nouvelles surfaces habitables (étage(s) supplémentaire(s), construction d’une extension, nouveau bâtiment).
La taxation, c’est-à-dire le calcul de la taxe, est réalisée lorsqu’un de ces trois cas de figures survient mais la procédure de perception ne débute qu’au moment de la construction ou de l’aliénation du bien-fonds (vente ou toute situation dans laquelle la perception d’un impôt sur les gains immobiliers est déclenchée, telle que par exemple, l’expropriation ou le transfert d’un bien-fonds de la fortune privée du contribuable dans sa fortune commerciale).
Soulignons également que, ladite situation découlant de règles de droit public, les éventuels accords de droit privé, tel qu’un contrat indiquant un prix de vente qui n’intègre pas cette plus-value foncière, ne sont pas pris en compte dans la procédure de taxation.
Pour déterminer quel est le montant de la taxe à payer, il faut, premièrement, estimer la valeur du terrain avant l’introduction de la nouvelle mesure d’aménagement. Deuxièmement, il s’agit d’estimer la valeur du terrain après l’introduction de la nouvelle mesure d’aménagement, c’est-à-dire en tenant compte des nouvelles possibilités constructives.
Finalement, la différence entre ces deux valeurs constitue le montant de la plus-value, auquel le pourcentage de taxe à la plus-value déterminé dans votre canton sera appliqué.
Exemple :
Valeur terrain AVANT nouvelles mesures d’aménagement | Valeur terrain APRES nouvelles mesures d’aménagement | Montant de la plus-value | % taxe dans le canton | Montant taxe |
CHF 500'000.- | CHF 750'000.- | CHF 250'000.- | 20% | CHF 50'000.- |
Notons que la majorité des cantons a fixé une limite d’exemption lorsque la plus-value calculée est inférieure à CHF 10'000 (ex : Jura), CHF 20'000 (ex : Fribourg, Vaud, Valais) ou CHF 30'000 (ex : Genève). [i]
Dépendamment du canton dans lequel se trouve le bien-fonds, plusieurs pratiques coexistent. Par exemple, dans certains cantons, l’Etat fait appel à des experts immobiliers indépendants. Dans d’autres, il existe un service interne à l’Etat chargé de réaliser ces estimations immobilières.
Concernant les techniques d’estimations immobilières, les cantons préconisent l’utilisation de la méthode des valeurs comparatives ou celle de la valeur à rebours (ou valeur résiduelle).
La méthode des valeurs comparatives consiste à déterminer la valeur vénale du bien-fonds à l’aide d’un procédé statistique se basant sur des données de transactions immobilières abouties, suffisantes (en nombre) et comparables.
Quant à la méthode de la valeur à rebours, elle consiste à estimer quelle est la valeur du projet immobilier après construction, c’est-à-dire la valeur du projet qui exploite l’entier du potentiel à bâtir ; pour, dans un deuxième temps, en déduire les coûts nécessaires à son développement (travaux préparatoires, bâtiment, autorisations, etc) et une marge pour risques et imprévus. Le montant restant après ces déductions correspond à la valeur du terrain.
Dans la sphère des experts immobiliers et principalement en raison des difficultés à réunir des données comparatives suffisantes et représentatives, un consensus en faveur de la méthode de la valeur à rebours existe.
Or, quelle que soit la méthode utilisée, certains critères d’évaluation, tels que la localisation, la marge de promotion, le taux de capitalisation, …, sont retenus selon la libre appréciation de l’auteur de l'estimation immobilière. Ses compétences méthodologiques mais aussi techniques, juridiques et économiques sont donc déterminantes sur la pertinence de la valeur de terrain arrêtée et donc, du montant de la taxe qui sera dû.
Finalement, l’introduction de cette taxe étant relativement récente, on peut aisément supposer que les pratiques évolueront au gré des jurisprudences cantonales et fédérales.
Magali Luzza
[i] Selon le tableau établi par EspaceSuisse « Prélèvement de la plus-value, comparaison des règlementations cantonales (état au 03.11.2021)